Dans mon post précédent portant sur le compte-rendu du CES 2021, je faisais état de l’étonnante présence de trois startups quantiques dont deux issues des Pays-Bas (Qblox et Orange Quantum Systems). Les exposants français comprenaient aussi quelques sociétés des deep techs, notamment celles qui officient dans le champ des composants électroniques telles que STmicroelectronics et Sequans ou celles des batteries.
Elles n’étaient cependant pas bien nombreuses en proportion. Est-ce une faiblesse de la French Tech de ne pas avoir de startups réellement deep techs, à la bordure des “hard techs”, celles qui essayent de repousser très loin les limites de la science et des technologie ? La question reste ouverte et est liée à la capacité à générer des startups à partir des travaux de chercheurs, que ce soit pas les vocations de chercheurs-entrepreneurs ou pas le rapprochement entre chercheurs et entrepreneurs.
Dans les technologies quantiques, la passerelle est rare mais se fait plutôt naturellement. La grande majorité des startups du domaine aussi bien côté matériel que logiciel a été créée par des chercheurs devenus entrepreneurs. On se dit souvent qu’ils n’ont pas le profil pour. L’expérience montre au contraire que les chercheurs des technologies quantiques qui deviennent entrepreneurs s’adaptent bien à cette nouvelle casquette. Ce sont toujours des gens brillants, plutôt jeunes, et ils apprennent vite. Nous avions déjà eu l’occasion de rencontrer Théau Peronnin et Raphaël Lescanne de Alice&Bob en 2020, qui planchent sur la création de qubits supraconducteurs. Ils incarnent bien cette génération d’entrepreneurs à la croisée des chemins.
C’est aussi le cas de Mathieu et Pierre Desjardins avec qui Fanny Bouton et moi-même avons enregistré le 16e entretien de la série Decode Quantum, coproduite avec Richard Menneveux de Frenchweb/Decode Media et lancée en mars 2020.
Matthieu et Pierre sont les cofondateurs de C12 Quantum Electronics, anciennement CNT Nanotech. La société est issue d’un projet mené au LPENS (Laboratoire de Physique de l’ENS Paris). Les deux sont un cas rare de frères jumeaux, ayant fait la même école d’ingénieur (Polytechnique) mais vous verrez que leur parcours les rend bien complémentaires comme le veut l’adage, pour la création d’une équipe de cofondateurs d’une startups.
Leur piste consiste à utiliser des nanotubes de carbone pour piéger les électrons servant à créer des qubits qui sont ensuite gérés par une circuiterie silicium qui véhicule les micro-ondes servant à les contrôler. Les nanotubes permettent d’améliorer l’isolation des électrons piégés et le temps de stabilité (cohérence) des qubits d’un facteur 100, atteignant une seconde. C’est donc une technologie très prometteuse même si elle est assez “early stage”.
C’est très intéressant et très prometteur. Il leur reste évidemment plein de défis à surmonter pour réaliser ces qubits. Ils disposent en tout cas de l’appareillage de production des nanotubes de carbone à l’ENS (ci-dessus) ainsi que des moyens de les agrafer sur des puces de silicium puis de les expérimenter.
Article d'Olivier Ezratti sur son blog Opinions Libres